67 [ Cycle Road Movie • VANISHING POINT (Point limite zéro) • Valaurie 1/8/2014 ]


CINQ VILLAGES font leur CINÉMA 2014
Cycle Road Movie

Valaurie, vendredi 1er août à 21h30, Place des Patineurs
Vanishing Point (Point limite zéro), de Richard C. Sarafian
USA / 1971 / 1h38 / VOST / vidéo: Blu-ray / drame policier
Album photos Pinterest

post6704La Dodge Challenger R/T blanche 1970 reprise dans Death Proof (Boulevard de la mort, 2007) de Quentin Tarantino.

« Hey Kowalski, you out there? » | Super Soul, le DJ de la station de radio KOW

Résumé
Le héros, Kowalski, fait le pari qu’il peut convoyer une Dodge Challenger R/T blanche, de Denver à San Francisco en quinze heures. Il s’ensuit une course poursuite avec la police des états qu’il traverse. Dans sa course, il est aidé par un animateur radio noir et aveugle, Super Soul. On apprend au long du film que Kowalski a été tour à tour pilote de motos, de Nascar et policier.
Derrière le genre road movie, Vanishing Point est surtout une réflexion sur le parcours d’un homme. Le titre original est juste dans l’esprit. C’est un instant flou, un point indéterminé, où tout bascule.



Générique
Réalisation : Richard C. Sarafian
Interprétation : Barry Newman (Kowalski), Cleavon Little (Super Soul), Dean Jagger (le prospecteur et chasseur de serpents), Victoria Medlin (Vera Thornton), Paul Koslo (Charlie, le jeune flic), Robert Donner (Collins, le flic âgé), Timothy Scott (Angel), Gilda Texter (la fille nue sur la moto), Anthony James (un autostoppeur), Arthur Malet (un autostoppeur), Delaney & Bonnie & Friends (J. Hovah’s Singers), Rita Coolidge (Rita Coolidge), Charlotte Rampling (l’autostoppeuse, scènes coupées), …
Scénario : Guillermo Cabrera Infante (Guillermo Cain), Malcolm Hart, Barry Hall (nc)
Photographie : John A. Alonzo
Musique : Kim Carnes, Delaney & Bonnie & Friends, Red Steagall, …
Décors : Glen Daniels, Jerry Wunderlich
Costumes : Ed Wynigear
Production : Cupid Productions, Twentieth Century Fox Film Corporation
Tournage : en 28 jours avec une équipe réduite de 19 personnes, Denver (Colorado), frontière de l’Utah et du Nevada, sur la route 80 (vers Dunphy, Nevada), Cisco (Californie)
Format/Durée : 35 mm, 1.85:1, couleur, mono (Westrex Recording System), 98 min
Première : 15 janvier 1971 (USA), 12 mai 1971 (France)
Distributeur : Fox Pathé Europa



Route 71 revisitée
Eugenio Renzi / CAHIERS DU CINÉMA / JUIN 2006, p.80
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  Plusieurs raisons font du mythique Point Limite Zéro une porte de sortie idéale dans la programmation du « cycle Road Movie de Cinq Villages font leur Cinéma 2014 ». Sa date de sortie d’une part : 1971. Sa fabrication de l’autre, absolument anecdotique. En 1970, Richard Zanuck, légendaire producteur de la Fox (c’est l’homme qui découvrit Spielberg), propose le script à un jeune réalisateur de télé qui vient de tourner à Londres son premier long métrage, Richard C. Sarafian. Un scénario tantôt simple (une course), tantôt compliqué (poursuites, hélicoptères, accidents), et 1 400 000 dollars pour le réaliser. Sarafian relève le défi et, à quelques centaines de dollars près, réussit à tenir le budget.
  A cela s’ajoute que le synopsis imite l’histoire du tournage. 1971, un vendredi soir à Denver, Kowalski (Barry Newman), vétéran du Vietnam, ex-flic, ex-pilote, ex-amoureux, dans le civil employé d’une boîte de location de voitures, parie une dose d’amphétamine sur la vitesse de la Dodge Challenger qui lui a été confiée, et sur sa propre capacité de résistance au volant. Pari : atteindre San Francisco avant dimanche midi. Un but jamais atteint, ou bien atteint à jamais, pour l’éternité.
  Expliquons : le film propose deux fins. La première vient dès le début, lorsque la Dodge Challenger de Kowalski fonce vers un barrage installé par la police californienne dans le village de Cisco (quasi San Fran, mais pas encore), fait demi-tour à la dernière seconde avant de littéralement s’évanouir dans le désert, comme si elle quittait magiquement la route par le centre du cadre. C’est le Vanishing Point du titre original. Le temps d’un long flash-back de deux jours, la seconde fin — le second film — raconte toute l’aventure de Kowalski, la reconstruisant comme un compte à rebours qui ramènera au même barrage que tout à l’heure, au Point Limite Zéro du titre français, mais à un autre genre d’achèvement : la voiture percute le barrage —feu, explosion, mort.
  Titre américain et titre français renvoient donc à deux lectures possibles, à deux versions du même film : disparition ou explosion. L’évanouissement de la voiture dans le désert cristallise le trip de Kowalski, élève le héros au rang de cavalier solitaire, escamote le but raté ou bien, plus radical, salue l’importance même du but en soi. Venant après dix minutes de poésie expérimentale, cette première fin ajuste la ligne droite du voyage, porteuse d’une idéologie compétitive dont Macadam à deux voies offrait un an plus tôt une tranquille dérision (lire Cahiers n°602), à la philosophie généreuse, allègre et dissipatrice de la contre-culture : le flower child se fout du lendemain. En revanche, l’impact du point zéro raconte une toute autre histoire. Il raconte le même deuil, mais sous une autre perspective : plus sombre, plus tragique. Quel deuil ?
  Kowalski voyage en compagnie du grand cirque sixties, parfois visualisé en bribes de souvenirs, parfois sous forme de rencontres. C’est pourquoi […] son trajet cumule et salue en un grand feu génie et bêtise, images et vestiges d’un tas de films passés, précédents et à venir : la virtuosité des poursuites (Bullit), mais aussi l’angoisse d’être poursuivi (Duel), la route transformée en bal masqué (La Course à la mort de l’an 2000), l’importance de la BO dans la mise en scène (Le Lauréat), la radio comme méta narrateur, à la fois interne et externe (MASH), la drogue, l’Odyssée façon bluegrass (O Brother), la fuite et le fameux « on a tout foutu en l’air » d’Easy Rider.
  Ce sont donc les années 1960 — le summer of love, le mouvement contre la guerre, le flower power — qui s’en vont, qui disparaissent ou qui se heurtent au mur de l’Amérique de Nixon. Disant cela, on en revient aux deux fins, qu’il faut maintenant évaluer différemment. Eloge funèbre, la première offre un paradis, une éternité un peu facile aux belles âmes hippies. Dure et visionnaire, la seconde relève au contraire d’une lecture impitoyable et précise de ce que les années 1970 auront été, au cinéma comme ailleurs. La tentative d’assumer la rechute de l’explosion libératrice des années 68 ? Peut-être. Le faux pas nécessaire d’une belle idée, à coup sûr.
  Si la force d’une révolution est de faire un rebelle d’un militaire, d’un flic, d’un homme quelconque comme Kowalski, alors la tragédie d’une révolution — aussi grandiose dans sa ruine qu’elle fut puissante dans son élan initial — est qu’une fois terminée, ce rebelle ne rentre pas dans les rangs, n’accepte plus la discipline, persévère jusqu’au-bout dans sa désobéissance. Et meurt.



Le gay auto-stoppeur
B.K. (traduit par Ch. G.) / CAHIERS DU CINÉMA / JUIN 2006, p.85

  • Five Easy Pieces / Cinq Pièces faciles, Bob Rafelson, 1970
  • Two-Lane Blacktop / Macadam à deux voies, Monte Hellman, 1971
  • Vanishing Point/Point limite zéro, Richard C. Sarafian, 1971

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  On faisait beaucoup de stop dans les années 1960, une manière de faire violence à un tabou ancré dans le folklore et la culture populaire. Dans les road-movies des années 1960 et 70, les rencontres de hasard avec des auto-stoppeurs sont devenues une forme nouvelle de carnavalesque, qui fait et défait d’étranges couples à partir d’excédents humains, de restes du rêve américain. La figure de l’auto-stoppeur homo apparaît dans Five Easy Pieces, Macadam à deux voies et Vanishing Point (1). Le personnage émerge pour la première fois après que les émeutes de Stonewall ont sorti du placard les homosexuels américains en 1969, l’année de Five Easy Pieces.
  Les lesbiennes en panne que prennent en stop jack Nicholson et Karen Black sont des radicales dont le mouvement d’allumées —qui compte deux membres actifs — sacralise la Nature et rejette la « saleté » de l’Homme (ou du mâle : le pot d’échappement polluant de Nicholson). Elles sont aussi mal assorties que le couple assis à l’avant, dont la relation interdit aussi une place dans la société, et elles deviennent les témoins approbateurs de la scène où Nicholson agresse la serveuse qui interdit les « substitutions » dans le menu — métaphore oblique des deux types d’amour interdit présents à table. Les lesbiennes de Five Easy Pieces sont, pour emprunter le terme à une révolution plus ancienne, des « compagnes de route ».
  L’auto-stoppeur homo joué par Harry Dean Stanton dans Macadam n’est que l’un des fêlés que GTO (Warren Oates) fait monter pour les abreuver de mensonges sur son propre compte. Cow-boy élancé au bandana un peu trop joli (un iconique train de marchandise passe à l’arrière-plan quand il monte dans la voiture), il déçoit GTO quand il lui pose la main sur le genou pendant sa diatribe. Coupé dans son élan quand il se présente comme testeur de voiture pour une course qui pourrait « rapporter des millions », le conducteur volubile se défile : « C’est une compétition. J’ai pas le temps pour les détours. » — autre métaphore, sans doute, des « détours » de l’identité gay, proférée par un personnage qui n’a pas d’identité du tout.
  Deux auto-stoppeurs homos — cousins éloignés des lesbiennes du film de Rafelson — tentent sans succès de détourner la voiture de Kowalski (Barry Newman), le héros de Vanishing Point. Quand on les voit pour la première fois, ils poussent un vieux tas de boue qui porte une pancarte « Jeunes Mariés ». Mais ils sont déraisonnablement hostiles au soi-disant représentant de la société qui les a pris en stop. Certaines parties de cette séquence qui n’ont pas bien vieilli nous rappellent qu’il faudrait encore attendre deux décennies pour que l’impact de la libération homosexuelle se fasse sentir au cinéma, et que les membres de la Nouvelle Vague américaine ne seraient pas en première ligne dans cette révolution.
  Mais tandis que la présence de personnages gay dans des films comme Mean Streets ou Scarecrow constitue, comme l’a écrit Robin Wood, une négation qui maintient l’innocence du buddy movie des années 1970, la figure de l’auto-stoppeur homo — compagnon de route, miroir déformant, mauvaise rencontre — est tout autre chose : le symbole d’une question laissée sans réponse par une génération dont le rôle, par bien des aspects, a été plus transitionnel qu’il n’y paraissait alors.

1 Marc Raymond m’a soufflé un quatrième exemple qui ne figure pas dans la rétrospective : les homosexuels que les protagonistes de Mean Streets prennent en stop après la fusillade dans le bar de Tony. Je remercie également pour leurs suggestions David Ehrenstein, Brad Stevens, Brian Dauth et Richard Modiano.



Filmographie sélective de Richard C. Sarafian (1930-2013)

Réalisateur

  • “Living Doll” (épisode TV: The Twilight Zone / La quatrième dimension), 1963
  • Andy, 1965
  • Fragment of Fear, 1970
  • Vanishing Point (Point limite zéro), 1971
  • The Gangster Chronicles (TV/Chronique des années 30), 1981

Acteur

  • Bugsy 1991 (Jack Dragma le gangster)



Programme Cinq Villages font leur Cinéma 2014 – Cycle Road Movie – 28 juillet / 1er août 2014 – 21h30



Sources
Cahiers du Cinéma N°613, juin 2006 :  Cinéma retrouvé : Hollywood 70’s
Road Movie, USA / Bernard Bénoliel, Jean-Baptiste Thoret / Les Éditions Hoëbeke /2011
Dodge Challenger (1970 – 1974)



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dernière mise à jour : 21 juillet 2014

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